Concevoir un jardin en permaculture : principes clés et mises en pratique
13 février 2025
Pourquoi la permaculture suscite-t-elle autant d’intérêt ?
La permaculture est une approche globale de l’agriculture durable, popularisée dans les années 1970 par Bill Mollison et David Holmgren. Son objectif principal : créer des écosystèmes agricoles inspirés du fonctionnement de la nature, afin de produire de la nourriture tout en régénérant les sols et en préservant la biodiversité. Selon la FAO (), plus d’un tiers des sols de la planète sont déjà dégradés. Ce chiffre montre l’urgence de développer des pratiques respectueuses de l’environnement et plus résilientes sur le long terme. La permaculture vient répondre à ce défi en proposant des solutions concrètes : recréer des sols sains, optimiser l’utilisation des ressources, encourager la diversité des espèces et minimiser les déchets.
Cette méthode ne se limite pas à « faire un potager écologique ». Il s’agit plutôt d’une démarche qui englobe l’aménagement du jardin, la sélection des plantes, la gestion de l’eau et des déchets, ainsi que l’interaction entre toutes ces composantes. Dans cet article, plusieurs principes fondamentaux de la permaculture seront abordés, ainsi que des astuces pour les appliquer dans un jardin.
Les trois éthiques fondamentales de la permaculture
Avant de plonger dans l’aspect concret, il est intéressant de rappeler les trois éthiques qui forment le socle de la permaculture :
- Prendre soin de la Terre : protéger et régénérer les écosystèmes, préserver la biodiversité et les ressources naturelles (sol, eau, air, etc.).
- Prendre soin des humains : offrir un cadre de vie sain, assurer la sécurité alimentaire et encourager la coopération.
- Partager équitablement : instaurer un partage équilibré des surplus et un usage juste des ressources.
Ces éthiques s’appliquent à toutes les étapes d’un projet en permaculture, quel que soit sa taille ou son envergure. Elles rappellent que cultiver un espace vert ne consiste pas seulement à produire des légumes, mais aussi à veiller à l’équilibre entre la terre, les communautés et le bien commun.
Les douze principes de conception en permaculture
David Holmgren a formalisé douze principes pour aider les jardiniers, agriculteurs ou porteurs de projets à appliquer au mieux la permaculture. Chaque principe correspond à un aspect spécifique du design et de la gestion d’un système. En voici un aperçu :
- Observer et interagir : Avant toute action, observer le milieu (climat, ensoleillement, vents dominants, nature du sol, etc.) et interagir le moins brutalement possible. Collecter un maximum d’informations permet de faire des choix éclairés et de s’adapter véritablement aux conditions locales.
- Capturer et stocker l’énergie : Il s’agit notamment de maximiser la récolte de l’énergie solaire, de l’eau de pluie ou encore de la matière organique. Par exemple, installer des récupérateurs d’eau ou favoriser un compostage actif aide à constituer des réserves utiles pour la croissance des plantes.
- Obtenir une production : La permaculture vise à obtenir un rendement, qu’il soit alimentaire, énergétique ou autre, tout en maintenant l’équilibre de l’écosystème. Il ne s’agit pas de rester passif, mais de concevoir un lieu productif duquel on tire durablement des ressources.
- Appliquer l’autorégulation et accepter les retours : En s’assurant que chaque élément du système puisse réguler l’impact des autres, on favorise la résilience. Cela peut passer par l’introduction de plantes répulsives ou de prédateurs naturels pour réguler les populations de ravageurs.
- Utiliser et valoriser les ressources renouvelables : Privilégier le recyclage, les énergies renouvelables et le réemploi de matériaux permet de diminuer son empreinte écologique. Composter les déchets organiques est l’un des exemples les plus simples et les plus répandus dans les jardins en permaculture.
- Ne pas produire de déchets : Les déchets d’une plante, comme les feuilles mortes, sont de l’or pour une autre, puisqu’ils peuvent servir de paillis ou d’amendement. Ce principe encourage à boucler les cycles naturels et à percevoir toute matière comme une ressource potentielle.
- Concevoir des motifs du global au détail : Comprendre le schéma d’ensemble d’un lieu avant d’en fignoler les détails permet d’agencer plus efficacement les différentes zones de culture. Cette perspective globale guide l’implantation judicieuse des arbres, des massifs et des points d’eau.
- Intégrer plutôt que séparer : Dans la nature, tout est connecté. De même, en permaculture, il est bénéfique de mettre en synergie différentes plantes qui s’entraident. Les associations de cultures (culture d’ail avec les carottes ou encore de capucine avec les tomates) montrent souvent leur force face aux ravageurs.
- Utiliser des solutions à petite échelle et y répondre : Commencer petit et ajuster pas à pas est souvent plus efficace que de lancer un grand projet sans test préalable. Chaque avancée s’évalue, pour ensuite améliorer ou adapter les techniques.
- Utiliser et valoriser la diversité : Plus un écosystème est diversifié, plus il est résilient face aux aléas (climatiques, maladies, etc.). En associant de nombreuses variétés de plantes, on crée un bouclier naturel contre les parasites et on enrichit la qualité du sol.
- Valoriser les bordures et accueillir la créativité : Les lisières, les petits espaces entre deux zones, sont souvent riches en biodiversité. Cela peut inspirer des aménagements variés, comme un muret végétalisé ou une haie mixte, pour favoriser les pollinisateurs et les auxiliaires.
- Réagir au changement et y faire preuve de créativité : Un jardin n’est jamais figé. Les saisons, le climat et les imprévus demandent de l’adaptabilité. Observer ce qui fonctionne et être prêt à ajuster la conception restent des attitudes clés en permaculture.
Organiser le jardin en zones et secteurs
Une des techniques phares de la permaculture consiste à organiser l’espace en « zones ». Le principe est simple : les éléments (potager, compost, verger, poulailler…) sont disposés en fonction de la fréquence de visite dont ils ont besoin. Par exemple, la zone 1, située à proximité de la maison ou de la serre, regroupe généralement les herbes aromatiques et légumes à cueillir fréquemment. Au fil de l’éloignement, la fréquence de passage diminue et on place des arbres fruitiers nécessitant moins d’attention, une mare ou des zones de pâturage.
On prend également en compte les « secteurs », c’est-à-dire l’influence de facteurs externes : le soleil, le vent, le ruissellement de l’eau ou encore l’exposition aux nuisibles. Connaître ces flux aide à implanter les bonnes plantes au bon endroit. D’après l’Institut de Recherche en Permaculture (), une bonne planification de zones peut réduire jusqu’à 30 % le temps de travail nécessaire dans un jardin, tout en améliorant la productivité.
Astuces pour créer des sols vivants
Dans un jardin en permaculture, le sol est roi. Un sol riche en humus et en micro-organismes soutient la croissance des plantes et limite les besoins en engrais ou en traitements. Voici quelques astuces pour régénérer et entretenir la fertilité de la terre :
- Le paillis : Protéger le sol avec un paillis organique (feuilles mortes, paille, broyat de bois) permet de réduire l’évaporation de l’eau, de limiter les mauvaises herbes et de nourrir la vie du sol en se décomposant.
- Le compostage : Transformer les déchets de cuisine et du jardin en compost apporte des nutriments de qualité. Outre le compost traditionnel en tas, il existe des méthodes comme le ou le pour produire rapidement un amendement riche.
- Le couvert végétal : Semer des engrais verts (moutarde, phacélie, trèfle, etc.) enrichit le sol en azote et protège la structure de la terre contre l’érosion.
- Le non-labour : Travailler superficiellement la terre ou se contenter de l'aérer évite de perturber l’écosystème souterrain. Cette méthode préserve les champignons et bactéries utiles au bon développement des végétaux.
Selon diverses études publiées par l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), une augmentation de seulement 1 % de la matière organique dans le sol peut multiplier par deux la capacité de rétention en eau. Cette propriété est cruciale pour résister aux sécheresses ou aux fortes pluies, et illustre bien l’importance de la qualité du sol en permaculture.
Composer des écosystèmes de plantes en synergie
En permaculture, on privilégie la diversité végétale à travers le concept de « guildes » de plantes. Ces guildes sont des associations équilibrées, où chaque espèce apporte un avantage à l’autre. Par exemple :
- Les fixatrices d’azote (fèves, pois, trèfle, luzerne, etc.) alimentent le sol et bénéficient aux autres plantes.
- Les plantes compagnes (capucine pour détourner les pucerons des légumes, œillet d’Inde pour repousser certains insectes ravageurs) protègent leurs voisines.
- Les plantes mellifères (lavande, cosmos, bourrache) attirent les pollinisateurs et améliorent la fructification.
De plus, des strates de végétation (arbres de haut jet, arbres plus petits, arbustes, plantes basses, plantes rampantes, racines tubercules) s’imbriquent pour optimiser l’espace. Ce design en étages recrée une structure proche des forêts naturelles, où la lumière et les ressources sont utilisées de manière efficace.
Gérer l’eau de manière responsable
Une des clés de la permaculture est d’observer la circulation de l’eau et de savoir la capter, la retenir et la diffuser intelligemment dans le jardin. On parle souvent de pour décrire ces aménagements stratégiques. Voici quelques pistes :
- Récupérer l’eau de pluie : Installer des collecteurs (citernes, barils) sous les gouttières pour réduire la consommation d’eau potable.
- Créer des « swales » : Petites tranchées ou fossés sur les courbes de niveau pour retenir l’eau de ruissellement et favoriser l’infiltration.
- Utiliser le paillage : Comme mentionné plus haut, le paillis limite l’évaporation et régule la température du sol.
- Aménager des zones humides : Les mares ou mini-étangs peuvent stocker l’eau et accueillir des plantes aquatiques et une faune auxiliaire précieuse (grenouilles, libellules, etc.).
D’après un rapport de l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC), avoir des dispositifs de récupération d’eau de pluie ou de stockage inférieurs à 5 m³ peut diminuer de 15 % la consommation en eau potable d’un jardin familial. Cette statistique souligne l’impact significatif de méthodes simples à mettre en place, dès lors qu’elles sont bien planifiées.
Utiliser les animaux comme alliés
Dans un écosystème permaculturel, les animaux jouent un rôle essentiel. Qu’il s’agisse de pollinisation, de régulation des ravageurs ou de fertilisation, ils apportent une aide significative. Par exemple :
- Les poules : Elles consomment nombre d’insectes nuisibles et produisent un fumier très riche en azote.
- Les abeilles et bourdons : Leurs activités de pollinisation améliorent le rendement des arbres fruitiers et des légumes.
- Les canards coureurs indiens : Parfaits pour manger les limaces et escargots, très utiles pour préserver certaines cultures.
En favorisant la venue d’auxiliaires (coccinelles, hérissons, oiseaux insectivores), on assure une régulation naturelle des populations de parasites sans avoir besoin d’utiliser de produits chimiques. Cette approche globale rejoint le principe de « ne pas produire de déchets », puisqu’on ne génère pas de pollution liée aux pesticides et on valorise les activités naturelles des animaux.
Aperçu des résultats et pistes d’extension
En mettant en œuvre ces principes, on observe souvent une amélioration globale : meilleure santé du sol, réduction de l’utilisation d’eau, diminution des déchets verts, plus grande résilience face aux maladies et ravageurs. On peut ainsi parvenir à produire des récoltes abondantes, tout en respectant l’équilibre écologique. Plusieurs collectifs partageant les mêmes valeurs existent en France et à l’étranger. Les formations en présentiel ou en ligne, certifiées par des centres reconnus comme le Permaculture Research Institute, sont de plus en plus courantes. S’engager dans ces communautés aide à progresser et à échanger sur des techniques innovantes.
L’aménagement d’un jardin en permaculture peut sembler exigeant au départ, surtout lorsqu’on prend le temps d’observer, de planifier et de concevoir un écosystème complet. Cependant, les bénéfices sont considérables. Les pratiques se révèlent souvent plus simples qu’elles n’en ont l’air, une fois les premières expérimentations réalisées. Quel que soit le climat ou la superficie disponible, un design de permaculture est toujours adaptable : un simple balcon peut se transformer en oasis verte, tandis qu’une grande parcelle offre la possibilité de développer un véritable agroécosystème.